Demain s'apprend aujourd'hui
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2014,0555:01 - 10/06/2014
Avril 2014 : le « mythe Stradivarius » est tombé. Une chercheuse française et un luthier américain viennent de terminer une étude dont les conclusions portent atteinte à une légende datant du XVIIe siècle. Au cours de plusieurs expériences, ils ont demandé à des musiciens professionnels de jouer aussi bien sur des instruments modernes que sur des Stradivarius, sans leur préciser quel violon ils avaient entre les mains. Aucun musicien n’a pu faire la différence entre les deux. Pire encore, plusieurs ont même préféré le son de l'instrument moderne. Ces violons d’exception qui s’achètent à prix d’or sont peut-être comme ces vins chers qui nous semblent meilleurs lorsque nous en connaissons le prix…
Printemps 2046 : le monde et la profession n’ont plus grand-chose à voir avec ce qu’ils étaient cent ans auparavant, lorsque notre profession a vu le jour. L’équilibre planétaire a basculé, la Chine est désormais la première puissance économique de la planète. Une étude est menée avec des patients lombalgiques qui sont invités à comparer, à l'aveugle, la pratique d’un kinésithérapeute, d’un ostéopathe et d’un chiropraticien.
L’expérience suggère que le kinésithérapeute n’a aucune supériorité par rapport aux autres praticiens. Pire encore, les patients, désireux désormais de se soigner autrement, se détournent des traitements loco-régionaux et plébiscitent la pratique de la gymnastique chinoise et de toutes sortes d’activités physiques. Le vernis s’écaille. La profession est en émoi...
Ce scénario, selon moi, est à craindre. Nous ne sommes plus, aujourd'hui, réputés incomparables. Mettre en scène un horizon proche où le kinésithérapeute qui n’aurait pas pu développer ses compétences disparaîtrait, au profit d'autres professionnels, est évidemment une provocation de ma part. Reste que le chantier de réingénierie de la formation initiale, qui doit déboucher sur une réforme des études, est frappé d'immobilisme.
Si le kinésithérapeute veut conserver un rôle majeur dans le système de soins, auprès du patient, il est essentiel qu'on lui permette de s'émanciper et de déborder – au moins un peu – de son champ de compétences actuel.