Hors norme
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2013,0546:01 - 10/09/2013
Évaluer, mot à la mode du moment, ne manque pas de concerner les professionnels de santé, notamment les kinésithérapeutes. La loi incite le praticien à mettre en œuvre des processus qui lui permettront de mieux traiter demain en analysant sa pratique et les résultats obtenus aujourd'hui.
L’exigence de qualité et le souci de l'évaluation sont louables, parce qu’ils sont éthiques. Mais comment donner une valeur objective à une action humaine ? On entend souvent : « Ce n’est pas la maladie que je soigne, mais le patient ! » C’est la réponse à ses attentes qui sera l’objectif principal du traitement et ce, en se distançant parfois des indications de la prescription.
Qu’en est-il alors de l’objectivité de ce qui a été mis en œuvre ? La satisfaction du patient et l’entrée en jeu du jugement de valeur du praticien déformeront certainement la validité de ce qui est académiquement ou scientifiquement proposé. « L’autosatisfaction est une évaluation erronée ».
La qualité des soins, corollaire de l’évaluation et leitmotiv des décideurs publics sera, à mon sens, toujours hétérogène, s’agissant de la kinésithérapie. En effet, de nombreux biais interviennent dans toute prise en charge : les modalités de traitement ne sont pas les mêmes d’un cabinet à un autre, certaines techniques sont réalisées par certains praticiens et pas par d’autres, les durées et fréquences de prise en charge sont variables pour des affections identiques, l’organisation de l’activité de chaque kinésithérapeute n’est pas superposable. La qualité d’un acte augmentant avec la maîtrise du praticien, l’expérience aura logiquement un impact sur la qualité des prestations... Il est donc difficile de s’appuyer sur les résultats de l’évaluation de l’efficacité des techniques, et des procédures pour qualifier le service kinésithérapique rendu.
Les politiques de santé nous incitent à nous rapprocher de normes. Tout cela doit rester relatif. L’intérêt de la kinésithérapie est clinique ; ses raisons d’être sont médicales et sociales. Le kinésithérapeute est là pour retraiter les ratés de la normalisation. Respecter le non-conforme est aussi une démarche éthique.