Utilisée par de nombreux scientifiques, la photographie relevait au XIXe siècle d’expériences. Copie du réel pour les anthropologues, par exemple, elle devenait une preuve des faits observés. Le mouvement a lui aussi été objet de la science : la physiologie a bénéficié de l’invention la chronophotographie.

Les supports d’image changent avec les époques. Les kinésithérapeutes du XXIe siècle ne sont-ils pas tous des « Étienne-Jules Marey »* ? Le smartphone-caméra, toujours à portée de main, le ralenti activé. Il est aisé de filmer et décomposer le mouvement pour donner à voir au patient ce qu’il a perçu ; une flexion de genou lors de la marche, ou la réalisation de gestes dits « écologiques » chez l’hémiplégique, par exemple.

Ces nouveaux dispositifs techniques modifient très certainement le rapport au corps ; les images montrent-elles ce que le patient peut voir ? L’image filmée exprime la vérité clinique, elle est à relier à la physiopathologie. Interprétée par le professionnel de santé qui a la connaissance du savoir, elle aide le patient en lui révélant objectivement ce dont il n’a pas conscience. Le diagnostic fonctionnel par l’image fera-t-il partie un jour des évaluations qualitatives ?

L’œil ne doit cependant pas prendre le pas sur la main ! Outil de fonctionnalité, une photographie ou un film permet de porter attention aux capacités qui sont à développer chez un patient. Mais le mouvement ne doit pas être réduit à l’image renvoyée par tel ou tel support. Sa réalisation sous-tendant une organisation et un contrôle non visibles !

Le futur praticien sera-t-il de plus en plus « geek » dans son cybercabinet ? C’est en marche. C’est imaginable. La réalité clinique doit, cependant, rester le support de toute action.

* Médecin et physiologiste français, il fut un pionnier de la photographie et un précurseur du cinéma. C'est lui qui a mis au point, entre autres, en 1882, le fusil photographique permettant de photographier « sur nature » un sujet en mouvement sur douze poses.