S'inspirer du vivant
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2014,0551:01 - 10/02/2014
Saint-Cosme et Saint-Damien n’ont pas ouvert la boite de Pandore en greffant la jambe d’un esclave sur un de leurs patients. Ils ont ouvert à leurs confrères chirurgiens des champs de développement qu’ils ne pouvaient encore appréhender. Réparer, remplacer un organe vital, en ce début de XXIe siècle, ne relève plus du mythe.
C’est le perfectionnement des méthodes de sutures bronchiques chez l’animal qui a permis au Pr Métras, en 1949, de réussir la première transplantation d'un poumon entier chez le chien. Toujours en France, la première greffe cardio-pulmonaire a été réalisée par le Pr Cabrol à la Pitié en 1982. C’est la mise sur le marché de la Ciclosporine A, puissant immunosuppresseur, qui a favorisé l’essor des transplantations d’organes au cours de ces années 80.
Concernant le greffon pulmonaire, les constatations cliniques conduisent progressivement à améliorer sa qualité, et à tester son aptitude à être greffé. Sa réhabilitation ex vivo est tentée. Elle consiste à chasser l’œdème des poumons, souvent présent lors du décès du donneur, à perfuser le poumon, à le ventiler, puis à tester son fonctionnement.
Le manque de greffon pousse aussi les chirurgiens et les scientifiques à concevoir des alternatives à l’ablation, ou à inventer des traitements définitifs pour des maladies incurables. La greffe de bronche, substituant la zone pathologique avec du matériau humain, évite le remplacement de l’organe complet. Ces recherches et ces innovations chirurgicales aboutiront sûrement à implanter un poumon bioartificiel. En matière d’avancée médicale, s’inspirer du vivant c’est se rappeler que la fonction créé l’organe.
S’agissant du cœur, c’est chose faite. La production d’un cœur artificiel total et son implantation chez l’homme ont été réalisées à l’Hôpital européen Georges-Pompidou – et c'est une première mondiale – par le Pr Latrémouille et le Pr Duveau, en décembre dernier. Cette avancée scientifique et clinique repousse les frontières entre mécanique et biologie. Ce cœur artificiel, dont le premier brevet a été déposé par le Pr Carpentier il y a 25 ans, est composé de biomatériaux synthétiques et biologiques microporeux. Il est prévu pour battre 230 millions de fois...
Et la kinésithérapie dans tout cela me direz-vous ? Elle aussi, elle s’inspire du vivant en s’adpatant à l’évolution des sciences et des techniques. Elle participe à la réadaptation de la « machine naturelle » transplantée. S’agissant d’un « patient implanté », c’est sans doute l’adaptation de l’homme à la machine artificielle qui favorisera l’amélioration fonctionnelle et de la qualité de vie.