Sous la peau
Christophe Dauzac
Kinésithér Scient 2022,0640:01 - 10/03/2022
S’il y a des lieux où les personnes fragiles, en raison de leur âge ou de leur maladie, doivent pouvoir venir en toute confiance, ce sont bien les lieux de soins ou les résidences spécialisées. Nul ne pouvait imaginer le contraire au pays des droits de l’Homme. Or la maltraitance ordinaire est une réalité quotidienne dans les établissements de santé, reconnue mais souvent cachée.
Les cas de maltraitance dans certains hébergements pour personnes âgées, révélés récemment, sont scandaleux. Leur résonnance pousse les pouvoirs publics à réagir en réclamant des sanctions exemplaires. Elles cautériseront un mal plus profond, celui des dérives liées à un système. Le modèle de gestion capitaliste d’établissements à but lucratif est-il à même de se soucier du bien-être des personnes vulnérables ? Les profits ne font visiblement pas bon ménage avec le care.
Les actes de maltraitance sur les patients concernent aussi les soignants, exposés à de la pénibilité émotionnelle. Les contextes de survenue pointent un rapport de dépendance de la victime, un abus de pouvoir et une répétition des négligences. Soyons conscients qu’un geste, une parole, un défaut d’action ou une action peuvent porter atteinte au patient. Sans conséquence apparente pour certains, ils peuvent laisser néanmoins des dégâts psychologiques chez des personnes déjà fragilisées.
Le corps victime se tait
La violence sous toutes ses formes entraîne des conséquences sur la santé physique et mentale de la personne qui la subit. L’enfant n’est pas épargné. Une étude conjointe de l’Université de Colombie-Britannique et de l’Université Harvard, publiée dans la revue scientifique Translational Psychiatry, affirme que l’enfant maltraité porte les cicatrices de ces abus dans son ADN, et ce, pour sa vie entière. Ces « cicatrices moléculaires » vont affecter sa biologie, sa fonction immunitaire et son fonctionnement cérébral. Le traumatisme est passé sous la peau, en silence, alors que, dans l’immédiat, le corps victime se tait.
Ce qui n’est pas visible peut se repérer. Ce mois-ci, Kinésithérapie Scientifique débute la publication des fiches de synthèse élaborées par le Comité National des Violences intrafamiliales (CNVIF – www.cnvif.fr). Véritables outils de prévention, elles permettront aux professionnels de participer à la diminution du triste bilan annuel des violences conjugales et des violences faites aux enfants.
Repérer, dépister, signaler, c’est agir contre toutes formes de violences. Empêchons-les de laisser des traces.